ROME PLUTÔT QUE VOUS

By : Tariq Teguia

With : Samira Kaddour, Rachid Amrani
Algérie, 2007, PAL, 16/9 - 111 min
Toutes zones, couleur, stéréo


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Depuis plus de dix années, l’Algérie vit une guerre lente, une guerre sans ligne de front mais ayant causé plus de 100 000 morts. C’est ce désert que Zina et Kamel - deux jeunes algérois tantôt hallucinés et joyeux, tantôt abattus et sereins - voudront sillonner une dernière fois avant de le quitter.

Film en vo Algérien sous-titré Français

Dans ce film, on parle autant politique que filles, cigarettes et terrorisme, faux papiers et coupures d’eau dans la langue de ceux qui le traversent. Tout mettre dans le désordre pour entendre ce qu’un statut social devrait refuser aux personnages, leurs paroles ponctuées par des cartons, des mots qui oscillent entre le conflit en cours et l’amour, tout cela, pour espérer faire surgir la joie logée dans la pesanteur des violences.
Comment faire un film en Algérie sans s’intéresser aux montagnes ou aux oasis sahariennes ? Tenter un film sur le présent et ne faire qu’avec lui, un film hors la mémoire d’une gloire passée et regrettée, un film sans costumes et sans paysages sublimes, à moins de voir le désert dans la ville.
Comment filmer une guerre qui prétend à la discrétion ? En filmant le ténu, c’est-à-dire en filmant moins ce qui se joue derrière le mur, mais le mur lui-même. Filmer donc, non pas un grand récit, juste un paysage d’événements.
Un film qui suivrait des corps traversés par l’effroi ou un chant de Cheb Azzedine. Non, toutes les filles ne baissent pas les yeux dans la rue, oui, beaucoup de jeunes Algérois veulent fuir ! Pas seulement pour des raisons matérielles — travail, logement — mais par refus, même inconscient, d’une société de l’enfermement.
Dans ce film, on voit que la violence prend la forme d’événements brutaux et rapides. Il n’y a à Alger et dans sa périphérie immédiate, aucune zone de conflit ouvert. La violence est brève, même s’il arrive qu’elle prenne les motifs les plus sanglants : voitures piégées, embuscades contre des policiers ou des civils, opérations nocturnes des forces de police. Evénement du quotidien, la violence n’en est pas moins présente. Elle n’est pas extraordinaire, elle est l’ordinaire du quotidien.
Faire un road-movie au ralenti, sur les distances courtes d’un quartier en construction. Un parcours qui s’opposerait au dehors — ralentissement généralisé de la ville qui se referme sur elle-même — dans un labyrinthe fait de carcasses de maisons inachevées, de vrais et faux barrages, de balles que l’on entend siffler, de corps statufiés au pied des immeubles. Une progression en périphérie, dans un dédale de décombres récents du chantier Algérie, entre la boucle et la ligne droite.
En somme, Rome plutôt que vous dessine au présent, la carte d’un périple laborieux motivé par les papiers qui manquent, l’esquisse d’une fuite dans un paysage qui peine à se faire. Une carte où le parpaing côtoierait les jeunes qui s’ennuient, une carte en fragments qui fait bondir du global au geste microscopique. Etre sinueux : un arrêt pour acheter des cigarettes, un autre pour demander où l’on peut trouver le Bosco, un interrogatoire par des policiers en civil. Si, au commencement, il y a le prétexte du départ à l’étranger, plus tard, on ne cherche plus, on avance. Mais s’il faut dire la tragédie, c’est pour rappeler que quelque chose persiste, quelque chose de justement consubstantiel au désastre, la vie, rien moins. C’est pourquoi dans ce film on danse. Danser n’est pas une thérapie au danger. Danser à quatre, sur un air de Cheb Azzedine c’est rendre audible le présent fait d’autres bruits que les cris de détresse. La musique, écoutée, dansée, fredonnée, comme la contrepartie implicite du désastre en cours, parce que rien, dans la violence d’aujourd’hui, n’empêche les chanteurs de raï de dire gaiement « Je suis perdu, laissez-moi me perdre ». Bref, un film qui chantera avec Cheb Azzedine « Gloire, gloire à nos vivants ! ».
Pour finir, quelques mots à propos des acteurs qui n’en sont pas. L’authenticité de l’incarnation — ils ne jouent pas autre chose que ce qu’ils sont dans la vie — ne dit rien sur le cinéma et n’est pas l’assurance d’une vérité plus grande. Tout au plus rappelle-t-elle que cette fiction voudrait être attentive au corps sagace de Zina-Samira, un film aussi léger que Rachid-Kamel, aussi lent que Lali-Merzak. La formule : le lent et le léger, le flux pris dans l’enceinte. Oui, la lenteur du déplacement et la soudaineté des événements.
Tariq Teguia

Edité par Shellac.

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